Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux
Louange à Dieu, Seigneur de l’univers, paix et salut sur notre
Maître Mohammed, sur ses frères les Prophètes et les Envoyés de Dieu et
sur sa famille et tous ses compagnons.
Compte tenu de la détérioration de la situation qui sévit dans
différentes régions du monde Islamique, en raison du recours à la
violence et aux armes pour régler les différends et imposer des opinions
et des choix,
Vu que cette situation a conduit à l’affaiblissement ou à la
dislocation du pouvoir central dans certaines régions, qu’elle, a en
outre, favorisé la montée en puissance de groupements criminels, dénués
de toute légitimité scientifique (intellectuelle) ou politique et qui se
sont arrogés le droit d’édicter des règles en les imputant à l’Islam,
d’appliquer des concepts qu’ils ont sortis de leur contexte et dissociés
de leurs desseins initiaux, et de s’en prévaloir pour se livrer à des
agissements néfastes pour toutes les couches de la société,
Vu les effets de cette situation sur les minorités, qui subissent
massacres, asservissements, déracinements et autres horreurs et
humiliations, alors qu’elles avaient vécu, des siècles durant, au sein
des musulmans et sous leur protection, dans un climat de tolérance, de
coexistence et de fraternité, dûment consigné par l’histoire, et attesté
par les chroniqueurs scrupuleux de la vie des nations et des
civilisations,
Vu que ces forfaits sont perpétrés au nom de l’Islam et en
invoquant perfidement Dieu le Très-Haut et le Prophète de la
miséricorde, paix et salut sur lui, en calomniant plus d’un milliard
d’êtres humains, dont la religion et la réputation ont été stigmatisées
et perverties, et qui suscitent désormais la répulsion et la haine,
alors qu’ils subissent eux-mêmes les affres de ces crimes.
En vertu du devoir d’explication et d’exégèse dont Dieu a confié la
charge aux oulémas, surtout en cette période critique de l’histoire de
la Oumma islamique, afin de revivifier la quête de la vertu infaillible,
de préserver la paix entre les humains, de veiller à l’exigibilité des
droits entre les humains, et de rétablir l’image authentique de notre
sainte religion, d’éclairer l’ensemble de la Oumma et de la mettre en
garde contre les menaces que ces crimes, drapés de couverture
religieuse, font peser sur son unité, sa stabilité, et ses intérêts
supérieurs, à court terme et à longue échéance;
1400 ans environ, après la parution de «Sahifat al Madina», dans la
ville du Royaume chérifien du Maroc, Marrakech et sous le Haut
Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc, pays qui, avec
ses dirigeants et peuple, s’est de tout temps affirmé comme un modèle
et une source d’inspiration, en matière de protection des droits des
minorités religieuses et de préservation d’un riche patrimoine
historique marqué du sceau de la tolérance, du vivre ensemble et le
brassage entre les musulmans et ceux qui ont en partagé avec eux
l’appartenance à la même patrie ou qui se sont réfugiés auprès d’eux
pour fuir la persécution religieuse ou l’injustice et l’oppression
sociales.
Dans une rencontre organisée conjointement par le Ministère des
Habous et des Affaires islamiques et le Forum pour la Promotion de la
Paix dans les Sociétés Musulmanes (Emirats Arabes Unis) organisent à
Marrakech, du 14 au 16 Rabi’ al-Thânî 1437, correspondant aux 25-27
janvier 2016,
Plus de 300 personnalités, Oulémas, intellectuels, ministres,
muftis, et chefs religieux musulmans, de différents rites et tendances,
se sont réunis, en présence de leurs frères représentant les religions
concernées et d’autres, au sein du monde islamique, et en dehors, ainsi
que les représentants des instances et des organisations islamiques et
internationales, de plus de 120 pays, convaincus de la noblesse de
cette démarche, et conscients de la gravité des enjeux,
Au terme de débats riches et féconds et les échanges d’idées et
d’avis, les oulémas et les penseurs musulmans participant à cette
conférence, soutenus par leurs frères des autres religions, déclarent ce
qui suit:
I- Rappel des principes universels et des valeurs fédératrices (ou consensuelles) prônées par l’Islam:
1- L’ensemble des humains, dans la diversité de leurs
ethnies, leurs couleurs, leurs langues, et leurs croyances ont été
honorés par Dieu qui a insufflé de son esprit dans leur père Adam – paix
sur lui: «Assurément, Nous avons honoré les enfants d’Adam» (Al-Isrâ’, 70).
2- Honorer l’homme, c’est lui accorder le droit de choisir comme le rappelle le saint Coran: «Nulle contrainte en religion» (Al-Baqara), 256). «Si Dieu l’avait voulu, ceux qui sont sur terre croiraient tous ; forces-tu les gens à devenir des croyants?!» (Yûnus, 99).
3- Les hommes, indépendamment de leurs différences
naturelles, sociales et intellectuelles, sont des frères en vertu de
leur humanité, comme le dispose la parole divine: « ô vous
hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous
avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez
entre vous» (Al-Hujurât, 13).
4- Dieu Tout-Puissant a créé les Cieux et la Terre en
se fondant sur le principe de justice. Celui-ci a été érigé en norme de
conduite pour tous les humains afin de prévenir toute tentation de
haine et de violence. Par ailleurs, Dieu a exhorté à la bienfaisance qui
favorise l’amitié et la cordialité, comme décrété dans le verset
suivant: «Oui, Dieu ordonne l’équité, la bienfaisance et la libéralité envers les proches parents». (An-nahl, 90).
5- La paix est la devise de l’Islam et la finalité
suprême de la Loi sacrée pour ce qui touche à la vie des hommes, comme
indiqué dans les deux versets: «ô vous qui croyez! Entrez tous dans la paix» (Al-Baqara, 208) et «s’ils inclinent à la paix, fais de même; confie-toi à Dieu» (Al-Anfâl, 61).
6- Dieu le Très-Haut a envoyé sidna Mohammed, paix et
salut sur lui, comme une miséricorde aux mondes, comme cela est précisé
dans la parole de Dieu: «Nous t’avons seulement envoyé comme une miséricorde aux mondes». (Al-Anbiyâ’, 107).
7- L’Islam incite à la charité et à la bienveillance
envers autrui, sans distinction entre partisans ou adversaires en
matière religieuse. A ce propos, Dieu a dit: «Dieu ne vous
interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas
combattus à cause de votre foi, ceux qui ne vous ont pas expulsés de vos
maisons. Dieu aime ceux qui sont équitables». (Al-Mumtahana, 08).
8- La Loi islamique tient au respect des contrats,
des engagements et des traités qui garantissent la paix et la
coexistence entre les hommes, comme en témoignent les versets suivants: «ô vous qui croyez! Respectez vos engagements» (Al-Mâ’ida, 1), «Soyez fidèles à l’alliance de Dieu après l’avoir contractée»
(An-nahl, 91) et le Hadith du Prophète: «l’Islam ne fait que conforter
toute alliance scellée du temps de la Jahiliya» (Hadith authentique).
II- La Charte de Médine, une base de référence pour garantir les droits des minorités religieuses en terre d’Islam:
9- Rédigée par Sidna Mohammed, paix et salut sur lui,
pour être la Constitution d’une société multiethnique et
pluriconfessionnelle, la «Charte de Médine» incarnait les principes
coraniques majeurs et les grandes valeurs islamiques.
10- La réalité de ce document est attestée par les illustres imams de la Oumma.
11- La «Charte de Médine», comparativement aux références
qui lui sont antérieures et postérieures dans l’histoire de l’Islam et
dans l’histoire du monde, puise sa singularité dans :
a- Sa vision universelle de l’Homme en tant qu’être
honoré n’évoque ni minorité ni majorité, mais renvoie à l’idée de
l’existence de diverses composantes au sein d’une seule nation (en
d’autre terme citoyens).
b- Le fait que la Charte de Médine n’est pas la
conséquence de guerres ou de luttes, mais qu’elle découle, plutôt, d’un
contrat entre des communautés vivant initialement en bonne intelligence
et dans la paix.
12- Cette Charte ne contredit pas le texte canonique,
pas plus qu’elle n’est abrogée vu que ses contenus sont l’expression
tangible des finalités suprêmes de la Loi sacrée. En effet, chaque
clause de la Charte induit l’idée de miséricorde, de sagesse, de justice
ou d’intérêt communautaire.
13- Dans le processus de la civilisation contemporaine,
la «Charte de Médine» est qualifiée pour fournir aux musulmans une base
de référence fondatrice de la citoyenneté : C’est l’archétype d’une
citoyenneté contractuelle et d’une Constitution juste pour une société
dotée d’un pluralisme ethnique, religieux et linguistique, solidaire, et
dont les membres jouissent des mêmes droits, accomplissent les mêmes
devoirs et appartiennent à une même nation, indépendamment de leurs
différences.
14- Que cette Charte ait été la référence pour notre
contexte et notre époque, ne signifie nullement, que d’autres systèmes
manquaient d’esprit de justice.
15- Les dispositions de «la Charte de Médine» contiennent
de nombreux principes de la citoyenneté contractuelle, comme la liberté
de culte, la liberté de mouvement, la liberté de posséder des biens, le
principe d’entraide publique et celui de défense commune. A cela
s’ajoute le principe d’égalité devant la loi (…les Juifs de Bani Ouaf ne
font qu’une communauté avec les croyants ; les Juifs ont leur religion,
et les musulmans la leur et celle de leurs alliés. ils doivent s’allier
les uns aux autres contre quiconque se bat contre la Gens de la Charte.
Ils doivent se conseiller mutuellement, agir charitablement les uns
envers les autres et se garder de toute iniquité. Aucun individu n’est
comptable des agissements de son allié. Aide et assistance sont dues à
la partie lésée).
16- Les finalités de «la Charte de Médine» constituent
un cadre idoine pour les Constitutions nationales des pays à majorité
musulmane. Ce référentiel est en accord avec la Charte des Nations Unies
et ses annexes comme la Déclaration des Droits de l’Homme, avec respect
de l’ordre public.
III- De la mise au point conceptuelle et l’exposé des
fondements méthodologiques de la position canonique concernant les
droits des minorités :
17- La position canonique, tant en la matière que pour
d’autres questions, s’appuie sur un ensemble de fondements
méthodologiques dont la méconnaissance, intentionnelle ou non, crée de
l’amalgame et de l’ambiguïté et déforme les vérités. En voici quelques
uns :
a- La nécessité de prendre en considération les
principes généraux de la Loi divine comme la sagesse, la miséricorde, la
justice et l’intérêt et de privilégier l’approche globale qui relie les
textes canoniques les uns aux autres sans pour autant négliger les
parties dont se compose le corpus dans sa globalité.
b- Les parties habilitées à pratiquer l’ijtihad
doivent tenir compte du contexte dans lequel ont été révélées les
prescriptions canoniques partielles, ainsi que des contextes
contemporains. Il leur incombe de relever les ressemblances et les
dissemblances qui existent entre ces différents contextes, en vue d’une
application adaptée desdites prescriptions. Il leur appartient aussi
d’inscrire chaque prescription dans le cadre qui lui convient, de
manière à ce que les concepts ne s’inversent pas, et que leurs finalités
ne s’en trouvent pas perverties.
c- Il convient de prendre en considération le lien
organique qui existe entre l’énoncé prescriptif et celui qui en établit
le contexte : En d’autres termes, considérer les dispositions
prescriptives dans leur corrélation avec le contexte matériel et humain
dans lequel s’accomplissent les obligations prescrites. C’est pour cela
que les docteurs de loi musulmans ont instauré la règle fondamentale
suivante : il est indéniable que les dispositions changent selon les
époques.
d- Mettre en évidence le lien entre les commandements
et les interdits d’une part et le système des intérêts et des risques
de dégât : Dans la Loi sacrée, il n’est de commandement ou d’interdit
qui ne soit destiné à produire un effet bénéfique ou à prévenir un
préjudice.
18- De nombreuses interprétations doctrinales portant sur
la relation avec les minorités religieuses se sont fondées sur des
pratiques historiques dictées par un contexte et une réalité autres que
la conjoncture actuelle. Les pratiques historiques étaient dominées
essentiellement par le paradigme des luttes et des guerres.
19- Chaque fois que nous apprécions les diverses crises qui
menacent l’humanité, notre conviction se renforce pour la nécessité de
coopérer entre toutes les religions et l’impératif de son urgence. Cette
coopération fondée sur des actes et pas seulement sur des vœux généraux
de concordance et de respect. Cette coopération, enfin, doit être
fondée sur l’engagement de respecter scrupuleusement les droits et
libertés, avec l’obligation de les inscrire dans le cadre de la loi au
niveau de chaque pays. Il est insuffisant d’édicter des règles
relationnelles, il est exigé, avant tout, d’avoir un comportement
civique qui exclu toute forme de contrainte de fanatisme et d’arrogance.
Compte tenu de ce qui précède, les conférenciers invitent :
a - Les Ouléma et les penseurs musulmans à s’investir dans la
démarche visant à ancrer le principe de citoyenneté, qui englobe toutes
les appartenances, en procédant à une bonne appréciation et à une
révision judicieuse du patrimoine du fiqh et des pratiques historiques,
et en assimilant les mutations qui se sont opérées dans le monde.
b - Les institutions académiques et les magistères religieux à
réaliser des révisions courageuses et responsables des manuels
scolaires, de sorte à corriger les distorsions induites par cette
culture en crise qui, outre l’incitation à l’extrémisme et à
l’agressivité, alimente les guerres et les dissensions et sape l’unité
des sociétés.
c - Les politiciens et les décideurs à prendre les mesures
constitutionnelles, politiques et juridiques nécessaires pour donner
corps à la citoyenneté contractuelle et appuyer les formules et les
initiatives visant à raffermir les liens d’entente et de coexistence
entre les communautés religieuses vivant en terre d’islam.
d - Les intellectuels, les créateurs et les composantes de la
société civile à favoriser l’émergence d’un large courant social faisant
justice aux minorités religieuses dans les sociétés musulmanes et
suscitant une prise de conscience quant aux droits de ces minorités. Il
leur revient aussi d’œuvrer sur les plans intellectuels, culturel,
éducatif et médiatique pour préparer un terrain propice à l’éclosion de
ce courant social.
e - Les différentes communautés religieuses unies par le même lien
national à soigner les traumatismes mémoriels nés de la focalisation
sélective mutuelle sur des faits particuliers et l’occultation de
siècles de vie commune sur une même terre. Elles sont également appelées
à reconstruire le passé par la revivification du patrimoine commun et à
tendre les passerelles de la confiance, loin des tentations
d’excommunication et de violence.
f – La communauté internationale à édicter des lois criminalisant
les offenses aux religions, les atteintes aux valeurs sacrées et tous
les discours d’incitation à la haine et au racisme.
En conclusion, les participants déclarent que :
Il n’est pas autorisé d’instrumentaliser la religion aux fins de
priver les minorités religieuses de leurs droits dans les pays
musulmans.




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